Je me souviens du combat pour la loi Veil, votée en 1975. Mon père était alors président de la section locale de « Choisir », association fondée par Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir, suite à la publication du manifeste des 343. Mon père n’était pas le plus grand féministe que l’humanité ait jamais conçu mais il avait milité avec d’autres hommes et femmes pour le droit à l’interruption volontaire de grossesse.
Lorsque la loi fut promulguée, je me souviens d’un air de fête, de ceux qui viennent clore victorieusement une grande bataille.
C’est dire si cette question est inscrite dans ma chair, si je puis dire. Jeune adolescente, j’avais saisi la gravité de l’enjeu, celui de la vie d’une femme à qui l’on permettait enfin de choisir son destin : pouvoir mettre un terme à une grossesse issue de violences, devenir mère ou non, décider du moment opportun pour assumer cette incomparable responsabilité de mettre un enfant au monde.
De la loi Veil à la loi Roudy1, de la loi Neiertz2 à la suppression des conditions de recours à l’IVG – conditions restrictives, hypocrites et culpabilisantes de cette notion de détresse – et finalement à l’inscription de ce droit dans la constitution, le chemin fut lent, sinueux et tient son inscription dans le marbre, pour une grande part, à la menace qui pèse sur l’IVG ici et là.
On se souvient de la révocation de l’arrêt Roe vs Wade par la cour suprême des Etats-Unis en 2022, celui qui protégeait l’accès à l’IVG sur tout le territoire américain depuis 1973. Désormais chaque état est libre de l’autoriser ou non. A ce jour, 14 états l’ont interdit mais, paradoxalement, le nombre d’IVG augmente ce qui n’est pas sans cristalliser les inégalités sociales; certaines femmes peuvent prendre un vol pour l’état voisin pendant que d’autres sollicitent leur voisine, faiseuse d’ange.
Ce qui semble acquis ne l’est donc pas pour toujours. Viktor Orbán, Javier Milei ou Jair Bolsonaro, et plus proche de nous, les Zemmouriens et autres Lepenistes, nous rappellent sans cesse la fragilité de nos libertés. Celle-ci, la “liberté garantie de recourir à l’IVG” se dresse contre toute forme d’obscurantisme -certains l’ont rappelé, ce droit est aussi une victoire de la laïcité-, et contre un certain patriarcat qui encore aujourd’hui, entend maitriser le corps des femmes.
“Fierté française, message universel” furent les mots d’Emmanuel Macron suite au vote du 4 mars, utilisant cette même expression de “fierté française” qui qualifia, il y a peu, un certain acteur: deux évènements pourtant sous-tendus par des valeurs contraires, antinomiques…comme un rappel à la vigilance.

Renée Z.

1: Le remboursement de l’IVG par la sécurité sociale
2: Création du délit d’entrave à l’IVG

Vidéo de ce moment historique :