Qui était Odile Vasselot, la fondatrice du Lycée Ste Marie ? – LFCI N°51 – juin 2025

Qui était Odile Vasselot, la fondatrice du Lycée Ste Marie ? – LFCI N°51 – juin 2025

Les mémoires partagées de la communauté française en CI Odile Vasselot de Régné est décédée le 21 avril dernier à l’âge de 103 ans. Elle a vécu en Côte d’Ivoire de 1959 à 1988. De nombreuses Ivoiriennes et de Françaises installées dans le pays, binationales pour beaucoup, se souviennent d’elle. Laïque consacrée au sein de

Les mémoires partagées de la communauté française en CI

Odile Vasselot de Régné est décédée le 21 avril dernier à l’âge de 103 ans. Elle a vécu en Côte d’Ivoire de 1959 à 1988. De nombreuses Ivoiriennes et de Françaises installées dans le pays, binationales pour beaucoup, se souviennent d’elle. Laïque consacrée au sein de la communauté apostolique Saint-François Xavier, elle a fondé à Abidjan en 1962 le collège de jeunes filles Sainte Marie à Cocody, répondant au souhait du président Félix Houphouët-Boigny d’éduquer les femmes ivoiriennes. Des hommages religieux et civils lui ont été rendus du 26 au 29 avril.
Cette belle personnalité reste dans les mémoires de beaucoup, mais sa mort est aussi l’occasion de raviver une mémoire partagée entre les citoyennes et les citoyens de nos deux pays qui vivent ensemble en Côte d’Ivoire et qui oublient un peu l’histoire de la communauté française. La vérité de l’histoire nous parle toujours du présent, disait Paul Ricoeur, souvent dans la douleur. On le voit en France aujourd’hui avec l’histoire coloniale française dont beaucoup de politiques et de chroniqueurs de plateaux télé refusent toujours de voir la terrible réalité. Paul Ricoeur nous dit aussi que l’histoire officielle d’un roman national canonique est au mieux, un leurre, pour ne pas dire une escroquerie. Quant à la mémoire collective, elle est au mieux une métaphore, car elle n’existe pas. Ce vers quoi il faut tendre c’est vers l’élargissement de nos mémoires partagées entre les Françaises et Français dans la diversité et la richesse de leurs origines. Ce qu’Ernest Renan, qui était pourtant un colonialiste forcené, dans son célèbre discours à la Sorbonne du 11 mars 1882, appelait notre héritage indivis.
Le départ d’Odile est l’occasion de ce travail de mémoire partagée qui nous parle du présent. A double titre. En premier lieu son engagement féministe qui résonne particulièrement aujourd’hui. La communauté apostolique Saint-François Xavier créée en France en 1911 avait pour objectif de dispenser aux filles le même enseignement que celui donné aux garçons. La communauté accueillait des enseignantes qui se consacraient à cette vision égalitaire de l’enseignement. A l’époque c’était particulièrement novateur et courageux. Aujourd’hui quand on regarde de près les inégalités de genre en France ou en Côte d’Ivoire, on se dit que le combat doit continuer. En second lieu Odile, issue d’une famille de militaires, a été une grande Résistante qui a rejoint les premiers réseaux dès l’appel du 18 juin du Général De Gaulle. Elle s’est engagée, préférant le risque et l’honneur au déshonneur de la capitulation, au moment où le roi des Abrons Kouadio Adjoumane, son fils Kouamé Adringa et plusieurs milliers de guerriers, faisaient la même chose et quittaient la Côte d’Ivoire pour participer aux combats de la France Libre, depuis le serment de Koufra au Tchad jusqu’à la libération de Strasbourg le 23 novembre 1944, en passant par Tunis, Palerme, Monte Cassino, Rome, la Provence et Paris. Le roi Kouadio Adjoumane fut fait chevalier de la Légion d’honneur en 1950 à l’âge de 88 ans et Odile Vasselot de Régné fut élevée au grade de Commandeur de la Légion d’honneur en 2021 à l’âge de 99 ans. Au moment où en France, plusieurs millions de citoyens, du fait de leur origine, se sentent exclus de l’héritage indivis, le rappel de cette mémoire partagée qui vient de Côte d’Ivoire, est nécessaire.

L’Esprit d’Odile, flottera longtemps dans nos cœurs et nos mémoires. Il a rejoint celui des femmes à l’entrée de Grand Bassam, dont la monumentale statue rappelle leur courage contre la police coloniale en 1949. Ensemble, elles vont chercher par la main la fragile Mariane-Ceres au bout du boulevard Treich-Laplène, qui semble jeter des pétales sur le corps sans vie de l’entreprise coloniale.

Christophe Courtin.

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